Une fois n’est pas coutume (mais peut-être que ça le deviendra ?), je vais vous faire une chronique musicale. Pas de photos de montagne, ni d’action ici, il n’y aura que du texte et un lien qui vous permettra d’écouter le titre en question, j’espère avec attention. De préférence, ce titre devrait s’écouter au casque ou sur un système audio de bonne qualité pour en percevoir toutes les subtilités et la richesse.

Le morceau du jour s’appelle Ham Hock Blues. Composé par Lionel Hampton et enregistré en 1974, il a été remasterisé en 2005 et republié chez LRC Ltd.

Lionel Hampton est un batteur, pianiste et vibraphoniste de génie. Le vibraphone lui permet d’exprimer son sens de la rythmique et de la percussion avec le son doux et subtil du vibraphone. Et lorsqu’il prend la parole pour un solo, son harmonie est excellente et ses solos mémorables. Né en 1908 et décédé en 2002, il a joué avec les plus grands du jazz US, dont Luis Armstrong, Duke Ellington, Count Basie, Dizzy Gillespie ou Chick Corea. Ses participations au quartet de Bennie Goodman sont entrées dans la légende, et un club de jazz de Paris portait même son nom (le Jazz Club Étoile, anciennement Jazz Club Lionel Hampton, club de jazz situé dans l'enceinte de l'hôtel Méridien Étoile, dans le 17e arrondissement).

Le morceau

Lionel Hampton signe ici avec le Ham Hock Blues une de ses plus belles compositions à mon avis : un blues pur et dur de 12 mesures à 120bpm, en Do mineur sur une progression d’accord i-iv-i-VI-V7-i : 4 mesures de Do mineur, 2 mesures de Fa mineur puis 2 mesures de Do mineur, et une dernière ligne de La bémol / Sol dominant pour repartir sur 2 mesures de Do mineur, avant de repartir en boucle : une harmonie caractéristique du mode Aeolien, le mode mineur naturel très utilisé dans le blues.

La mélodie se caractérise par une ligne de basse – un walking bass répétitive de type ostinato, portée par la contrebasse.

La section rythmique

Dans notre enregistrement, c’est George Duvivier qui assure la basse. Ce contrebassiste américain mort en 1985 qui a joué avec les plus grands mène le tempo sans défauts et donne un groove indéniable à la section rythmique.

Le grand Buddy Rich, un des plus grands batteurs de l’histoire, mène l’ensemble de la formation avec un swing parfait sur ses cymbales de ride, tout en relaçant quand il faut avec un coup de caisse claire. Ses breaks sont hallucinants de constance, malgré les syncopes et les afterbeats : il dynamise les solos, les accompagne et les soutient avec la régularité d’un métronome.

A la croisée de chemins entre la rythmique et la mélodique, Lionel Hampton signe de superbes parties dans ce morceau. Le vibraphone exprime tout son potentiel dans toute sa tessiture : des envolées rapides dans l’aigu, jusqu’aux mediums et basses profondes qui résonnent. C’est lui qui attaque le morceau, après une exposition de la ligne de basse au piano / contrebasse.

La section mélodique

Au piano, on trouve Teddy Wilson : encore un ancien de Benny Goodman, le vrai inventeur du swing! Son jeu rapide et précis assure parfois la walking bass du morceau, mais trouve aussi toute sa place lors de ses solos. Il prend d’abord son temps, puis démarre, et son jeu de main droite s’envole, accompagné des breaks de Buddy Rich qui ponctue parfois les phrases d’un coup de charleston, et parfaitement soutenu par la basse.

Au saxophone ténor, Zoot Sims. Partenaire de Al Cohn ou Stan Getz dans les Four Brothers, il reprend ici son jeu typique, profond et dynamique avec de forts contrastes : d’abord pianissimo avec un son moelleux velouté (on retrouve un peu le son de Stan Getz!), puis soudain plus forte en appuyant sur le côté cuivré.

Vous l’aurez compris, cet enregistrement c’est un peu le All-Star-Game. Chacun exprime tout son talent, dans une écoute totale entre les musiciens. Et sur les 9 minutes 30 que dure le morceau, vous aurez tout le temps d’en profiter comme il faut. Je vous mets ici le lien vers YouTube, mais si vous avez accès à un service de streaming en ligne en haute qualité, c’est préférable.

Bonne écoute !