En arrivant dans la région il y a plus de 15 ans, j’ai fait mes premières sorties en montagne dans la région avec Eric, qui était un collègue de travail à l’époque : le Râteau, la Dibona, et de multiples sorties de ski.

Voilà que la cinquantaine arrivant, il veut se remettre un peu plus régulièrement à l’alpinisme. La saison étant ce qu’elle est cette année, nous nous sommes mis d’accord sur une traversée du Sirac – un des sommets les plus méridionaux du massif des Ecrins. D’altitude modeste (3441m) il est cependant un sommet important, marquant une barrière entre les vallées du Valgaudemar et du Champsaur. J’avais ce sommet dans ma liste depuis longtemps.

La voie choisie est l’arête Nord : une longue arête/éperon qui remonte directement au sommet sur plus de 1000m d’escalade. Pour ne rien gâcher, la montagne est très sauvage, et la marche d’approche depuis le refuge n’est que d’une heure. Toutes les cases sont cochées !

Nous montons donc au refuge de Vallonpierre le dimanche après-midi pour grimper le lundi.



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Le refuge est situé au pied d’un petit lac, sur un grand replat d’alpage, dominé par la face Nord-Ouest du Sirac, massive et quasi continue sur 1200m. C’est un refuge de randonneurs, engagés pour la plupart sur le GR54 ou sur le Tour du Vieux Chaillol. Nous sommes les 2 seuls grimpeurs à mettre le réveil à 4h30. Le gardien nous fournira des indications sur la descente qui se révèleront très précieuses. Etant absolument seuls sur la montagne, il surveillera notre progression et notre retour.

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Départ 5h15. La voie remonte d’abord en direction d’une brèche située entre le Banc des Aiguilles de l’arête Nord. Après 1h d’approche, nous sommes à pied d’œuvre pour attaquer les difficultés. C’est parti pour 1000m de grimpe…

Le topo est précis, et les passages s’enchaînent sans accroc. Le premier crux de la voie consiste en 3 longueurs de vraie escalade dans la partie médiane de cette section : des pas de IVsup qui réveillent, à froid, en grosses chaussures et gros sac.

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La brèche s’atteint ensuite par une espèce de couloir cheminée. On y découvre alors l’ensemble de l’arête Nord devant nous : plus une face/éperon qu’une vraie arête au début, on voit tout de même les différents ressauts – dont le suivant, deuxième crux de la voie.

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La qualité du rocher n’est pas fantastique dans la première partie. Quelques sections avec un peu d’éboulis, et du rocher typique Oisans. On atteint assez vite le ressaut en IVsup, et le bon passage nous est indiqué par le topo, très précis. Une cheminée raide, puis une sortie aérienne sur gratons, le tout entièrement protégé sur friends - heureusement le rocher est bon, mais il faut grimper pour en venir à bout. On parvient alors aux premières pentes de neige à gauche.

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La section qui suit est meilleure, assez redressée, dans un rocher bien compact mais jamais difficile. L’arête se parcourt plutôt sur son flanc Ouest, donc à l’ombre. Eric reprend la tête et ça déroule bien jusqu’au névé ovale supérieur – bien blanc suite aux dernières chutes de neige en altitude.

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Du névé, on est au soleil et l’arête devient plus fine et effilée, on surplombe la face Nord-Ouest plein gaz, et le rocher est magnifique. Je repasse devant alors que le sommet est alors en vue !

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Nous voilà donc en haut, à 3341m, après 5h30 d’ascension. La vue est dégagée, malgré les nébulosités qui montent du Champsaur. Les nuages nous prendront le sommet alors que nous serons dans la descente.

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Sur les indications précieuses du gardien (photos à l’appui lors du briefing de la veille au soir), le cheminement de descente est facilement trouvé : d’abord par des vires cairnées qui serpentent dans la face Est, jusqu’à une brèche et un gendarme jaune caractéristique. On évite un couloir piège, et on y trouve une vire que l’on descend doucement jusqu’à des gradins, que l’on descend. Nous sommes à l’aise dans ce terrain Eric et moi, et sans hésitations nous parvenons à la ligne de rappel qui nous donnera accès au glacier. 3 rappels de 25/30m.

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Nous prenons pied sur la glace, et chaussons les crampons. La descente du glacier sera technique : la glace est noire et très dure, les pointes n’y mordent presque pas. La lame du piolet penètre à peine… et la pente est raide sur le haut, à 40/45°. Pourtant il faut aller vite ici, les pierres tombent de la face au soleil, parfois pas très loin de nous et à pleine vitesse.

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Le matériel rangé, nous allons nous manger 800m de descente dans les éboulis et les gros blocs jusqu’au refuge via le Creux de Mourière, véritable océan de cailloux.

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La descente est longue, et Eric héritera d’une main écorchée suite au retournement d’un bloc, de 2 ampoules au talon et d’un orteil tuméfié par les chocs répétés dans la chaussure.

La pause est donc réparatrice au refuge, atteint à 15h30, soit 10h après le départ du matin. Nous repartons vers 17h pour rejoindre la voiture, notre belle course dans la musette !